Inventions, innovations, recherches, créations : Comment naissent-elles en Côte d’Ivoire ?
Inventions, innovations, recherches, créations : Comment naissent-elles en Côte d’Ivoire ?
Nombreux sont les Ivoiriens qui ont entrepris la recherche en vue de mettre au point des inventions, des innovations et des créations dans plusieurs secteurs. Du diplômé d’université au simple autodidacte en passant par la compétence professionnelle, les domaines d’invention, les inspirations et les motivations sont variés.
« Quand j’étais étudiante, j’avais des problèmes de cheveux. Je me suis donc inscrite en biologie pour faire de la recherche. Je me suis orientée vers les soins capillaires. » Ces propos sont de Fenouil Hudson Marie-Josée, inventeur ivoirien dans le domaine des produits de beauté, notamment des soins capillaires. Diplômée de la faculté de sciences de Nice (France), elle a mis au point un produit qui a pour but d’améliorer les cheveux des Africains.
C’est un masque d’argile rouge qui favorise la repousse des cheveux et les protège du dessèchement dû aux conditions climatiques et au défrisage. Les soins capillaires précise-t-elle consistent à entretenir le cuir chevelu, de la racine jusqu’à la pointe, sinon, les cheveux se fanent et se cassent. « J’ai démontré qu’on pouvait traiter les cheveux par l’argile à l’aide de ce produit qui a un peu plus de dose en pourcentage du concentré actif que ce que font les Européens dans leurs marques», révèle-t-elle.
Cette démarche scientifique a convaincu les spécialistes en la matière. « j’ai obtenu mon brevet d’invention en 1994 et mon masque a été breveté à l’Institut national pour la protection industrielle (Inpi) et à l’Office africain de la propriété industrielle (Oapi). En 1999, j’ai reçu le prix d’excellence de la Présidence de la République ivoirienne concernant l’innovation technologique», ajoute l’inventeur.
Son invention a donc été favorisée par un besoin associé à la compétence professionnelle. Tout comme elle, beaucoup d’inventeurs ont mis au point leurs découvertes dans les mêmes conditions et contextes. Mais, selon Anna Mancini, Dr. en droit et spécialiste des droits intellectuels, l’histoire des sciences prouve que l’intuition et les rêves montrent le chemin de la découverte. Elle ajoute que dans le domaine, rien n’arrive par hasard. De nombreuses années d’exploration du rôle du corps humain à la jonction du rêve et de la réalité sont des facteurs favorables aux découvertes scientifiques et inventions.
Accomplir une révélation divine
Le cas d’Yves N’ Da, jeune inventeur ivoirien illustre bien cette assertion. Celui-ci dit avoir reçu ce don « d’une révélation divine ». Selon lui, une voix inconnue lui a recommandé qu’en prenant tel produit ajouté à tel autre et dans lequel on immerge une tige de régime de banane, il obtiendra des mèches. En appliquant à la lettre cette recommandation, cet inventeur a mis au point des mèches issues des tiges de régimes de banane. Son brevet qui lui a été délivré en mars 2012 par l’Oapi, est intitulé « mèche issue de la tige de régime de banane et procédé d’obtention ».
Sa technologie consiste à fabriquer des mèches à partir de régime de banane utilisé comme matière première. A partir d’une batteuse, la tige est défibrée puis les ficelles obtenues sont trempées dans des solutions pour les ramollir. Les ficelles séchées et peignées permettent d’obtenir des mèches. Un autre procédé de la même technologie aboutit à la confection de sandales, de chapeaux, de cartons, de jutes ….
Pour protéger leurs œuvres contre la fraude, la contrefaçon et surtout le piratage, les inventeurs doivent avoir un brevet délivré par l’Organisation africaine de la propriété intellectuelle (Oapi) dont le siège est au Cameroun. Les propriétaires d’invention se rendent donc au ministère de l’Industrie (la tutelle) pour se faire enregistrer et demander l’obtention d’un brevet. Les dossiers sont ensuite transmis à cette institution qui a une représentation en Côte d’ Ivoire. Après une enquête qui peut durer un à trois ans selon le cas, un brevet est délivré au requérant. Ce document est renouvelable chaque 20 ans.
Du rêve à la réalité
Assandé N’ Cho François est un chercheur ivoirien associé au laboratoire des signaux et systèmes de l’université Félix Houphouët-Boigny d’Abidjan Cocody. Il est membre de l’Académie de Science Telesio-Galileo, par ailleurs, fondateur de l’Institut de régulation épi génétique.
Avant de devenir chercheur, Assandé N’cho François, concepteur en électronique industrielle travaillait pour le compte d’une société. « Tout petit, je vivais avec ma grand-mère à Guasseguié (Agboville). Je l’accompagnais souvent pour chercher les plantes qu’elle utilisait pour des médicaments traditionnels. Cela m’a considérablement influencé. A l’école, j’envisageais faire des études en électronique en vue de concevoir des médicaments pour soigner les hommes », raconte-t-il.
Mais, un ensemble de circonstances favorables vont orienter Assandé vers ce qu’il a, de tout temps, rêvé. En effet, selon lui, en 1997, installant des antennes de radio télécommunication aux Bovins industriels à Korhogo, un des employés a été blessé. « Nous avons découvert un phénomène de cicatrisation rapide suite à l’émission des ondes électromagnétiques hautes fréquences modulées en très basses fréquences. Pour comprendre ce phénomène nous avons choisi une plante appelée Arabidopsis Thaliana, comme modèle d’études », raconte le chercheur.
Cette plante présente un certain nombre de caractéristiques facilitant les approches moléculaires en laboratoires (génome simple, génération rapide en culture, contient beaucoup de graines). L’étude de la réponse au stress génotoxique radio-induit par hautes fréquences modulées en très basses fréquences sur ce végétal a permis de déterminer des facteurs de transcription de l’Adn endommagé de type P53.
La découverte de cette protéine lors de cette étude orientera le chercheur vers la recherche sur le Vih/Sida, car elle joue un rôle très important dans la protection chez des patients. Dans sa démarche scientifique, Assandé N’Cho a affiné ses propres compétences dans une étude basée sur un principe de régulation épi génétique qui a montré dans sa phase expérimentale la possibilité de transférer l’information biologique et épi génétique grâce aux ondes hautes fréquences modulées en très basses fréquences.
Dans la prévention et le traitement du Vih, des ondes sont omniprésentes et produisent une sorte d’action à distance instantanée. Ces réactions d’ondes prennent en compte la totalité de la nature biologique du sujet et en particulier sa prédétermination génétique ou son bagage héréditaire. Cela s’explique par le fait que l’action de transformation spatiotemporelle met en œuvre des capacités d’adaptation cachées dans l’organisme, tant au niveau de la cellule que tout le système vivant, en augmentant rapidement l’immunité et en mobilisant les mécanismes de défense de l’organisme pour une résistance active contre les altérations de fonctionnement.
Les études ont alors conclu à la mise au point « d’un outil ultramoderne de prévention et de traitement et d’éradication des maladies virales, cancéreuses et microbiennes plus efficace, d’un procédé de rajeunissement et de ré gérescence des cellules éradiquant les maladies de troisième âge. » Le fruit de cette étude est intitulé « Une nouvelle approche du traitement et de prévention du Vih/Sida par régulation épi génétique. »
Ils sont nombreux les jeunes ivoiriens qui ont fait des recherches dans le domaine de l’informatique.
Combler le retard de la Côte d’Ivoire dans le domaine informatique
Coulibaly Pierre Djibril fait partie de cette catégorie. Ingénieur en informatique, ayant travaillé dans plusieurs entreprises, celui-ci a constaté que la Côte d’Ivoire est en retard dans la conception des logiciels de gestion. Grâce à plusieurs années d’expériences, cet informaticien a mis au point une nouvelle méthode de conception de logiciels de gestion universels appelée NexPro UBs. « J’ai voulu innové. Donc j’ai entrepris des travaux dans ce domaine. Lors du coup d’Etat militaire de décembre 1999, j’ai été bloqué dans mon service. J’ai donc mis ce temps à profit pour parfaire mon invention », explique-t-il. Selon lui, NexPro Ubs permet à tout usager d’avoir une gestion informatisée de toute son activité.
Ce qui voudrait dire que cette invention peut être utilisée dans tous les secteurs d’activité : comptabilité, finances, gestion de stocks, archivages, éducation, santé, commerce, transport… ce logiciel peut être installé soit individuellement sur votre ordinateur, soit en réseau comme c’est le cas actuellement des logiciels tels que World, Excel, etc, utilisés par des usagers.
NexPro Ubs est considéré comme un logiciel « tout en un » qui donne à son utilisateur la possibilité de gérer plusieurs fonctions de son entreprise (stocks, ressource humaine, budget, archives, facturations, courriers, etc.) De plus, il peut être utilisé comme un logiciel par défaut. A ce niveau, par exemple, il sert dans les différents départements administratifs d’une entreprise.
Les utilisateurs peuvent alors accéder aux diverses fonctions, notamment gestion de ressources humaines, budget, santé, facturation…cet outil a, enfin, les caractéristiques d’un logiciel « à tout faire ». Les travailleurs d’une entreprise peuvent l’utiliser pour gérer diverses activités.
Cette invention a été brevetée en 2011 par l’Oapi sous le signe « précédé de conception de logiciels informatiques de gestion universels ». Par ailleurs, l’auteur a obtenu plusieurs distinctions : lors du Salon international des inventions de Genève du 2 au 6 avril 2014, auquel ont participé seulement 3 pays africains (Côte d’Ivoire, Sénégal et Tchad) sur 45 pays invités. Coulibaly Pierre Djibril s’est adjugé la médaille d’argent « des inventeurs informatiques » pour le compte de la Côte d’Ivoire.
En 2013, il a reçu le prix de la meilleure innovation du secteur tertiaire au Carrefour international de l’innovation de Cotonou ( Cinc 2013) qui s’est tenu au Benin. Le 29 septembre 2013, il a remporté le prix International star award for quality. Déjà en 2012, Coulibaly Pierre a été élevé au rang de Chevalier de l’ordre national de Côte d’Ivoire.
Dans le meme domaine, Thierry N’Douffou a inventé la Tablette numérique « qelasy » pour dématérialiser les bibliothèques. C'est-à-dire que désormais tout le contenu d’une bibliothèque est disponible dans cette machine que l’on peut transporter et le consulter aisément.
« L’idée est venue de la souffrance des élèves qui chaque jour, sont obligés de se rendre dans leurs écoles respectives avec des sacs au dos bourrés de livres. Aujourd’hui, ils sont soulagés avec la tablette de 500 grammes. Par ailleurs, il fallait combler le retard numérique accusé par la Côte d’Ivoire dans le domaine de l’informatique. Il fallait démystifier tout ça. », Commente l’inventeur.
La tablette numérique « qelasy » ou classe en langue Akan a été présentée pour la première fois au dernier salon Gsma à Barcelone. Le 27 mai 2014, le concepteur a présenté cette invention au salon des technologies de l’information et de la communication à l’hôtel ivoire d’Abidjan Cocody. Lors de ces deux salons, « qelasy » a recueilli de vifs intérêts aussi bien du grand public que des autorités ivoiriennes en charge des Tic, car cette invention est une fierté pour la Côte d’Ivoire eu égard au potentiel qu’elle pourrait présenter dans la formation en général.
Inspiration créative
D’autres encore, comme des artistes, font appel à leurs esprits de créativité pour mettre au point leurs inventions. « Lorsque vous regardez autour de vous, la vie est faite de joies et de peines. J’ai eu une enfance brillante mais, des difficultés dès l’âge adulte. Ces deux aspects m’ont inspiré pour créer un jeu de société, » révèle Sidibé Mamadou, inventeur du jeu dénommé Parpass-M (Parcours du passager Mamadou).
Ce jeu est un plateau en carton avec des cases où se trouvent les obstacles de la vie quotidienne symbolisés par des peaux de bananes, des prisons, des animaux sauvages… Les joueurs, au nombre de deux, doivent faire de bonnes combinaisons sur ce parcours pour arriver au temple synonyme de victoire, de bonheur…
ALFRED KOUAME
Correspondant